Nous avons vu dans le précédent billet comment identifier des sources pertinentes par rapport à un périmètre de veille donné, pour construire un dispositif ou pour l'enrichir.
Cette identification des sources d'un corpus de veille, appelé sourcing, est essentiellement technique et fait appel à des méthodologies éprouvées.
Ce n'est cependant qu'une première étape. Les sources ainsi détectées doivent ensuite être qualifiées avant leur mise sous surveillance.
La diversité et hétérogénéité des sources sur le web ouvert et les réseaux sociaux rend cette phase d'évaluation encore plus cruciale, et aussi plus complexe .
Comment faire confiance aux sources d'information dans le contexte actuel d'infobésité et d'agitation autour des fake news et de la désinformation ? Quelles sources méritent d’être véritablement mises sous surveillance pour avoir un corpus fiable et de qualité dans le cadre d’une veille concurrentielle ?
La veille concurrentielle : un assemblage de plusieurs types de veilles avec des exigences différentes en matière de qualité
La veille concurrentielle regroupe en réalité différents types de veille. Il y a la veille e-réputation afin de savoir ce qui se dit sur tel ou tel concurrent, la veille technique et scientifique pour suivre l’activité R&D de ses concurrents, la veille sur leur stratégie, la veille marché, commerciale, etc. Et ces différents aspects ne requièrent pas la même exigence ni la même attention en matière d’évaluation des sources.
Pour l’aspect e-réputation, par définition toutes les sources peuvent être a priori intéressantes, indépendamment de leur hiérarchie dans l'échelle de valeurs du veilleur.
La question se pose également assez peu pour une veille technique, à l'exception des revues prédatrices (cf. "Toutes les sources et tous les articles n’ont pas la même valeur" dans notre lettre BASES N°374).
Ici les sources de référence se trouvent assez vite :
- elles sont connues et réputées dans le secteur en question et font l'objet de recensements dans les catalogues de bibliothèques, les sites institutionnels, et autres supports de référence que l'on trouvera facilement;
- elles font partie de la culture de l'entreprise et sont parfaitement référencées;
- elles sont facilement communiquées par les experts (souvent les clients), avec qui l'on travaille.
On rangera dans cette même catégorie la veille économique, que l'on pratiquera plutôt via des sources réputées et connues pour chaque pays, et dont on ne doutera pas de la qualité.
La question de la qualification des sources va donc surtout concerner plutôt la sphère sociale, politique, sciences humaines,… et bien sûr la sphère grand public (mais dans laquelle les veilleurs vont assez peu).
Quand on construit sa veille en partant des énormes stocks de données offerts par le web et les réseaux sociaux, il est très difficile de déceler qui est réellement derrière une source d'information et d’évaluer le sérieux de l'entreprise ou la personne, ou des éléments très impactant comme le modèle publicitaire, la ligne éditoriale… Et cela est même encore plus difficile quand il s’agit d’une langue que l’on ne maîtrise pas.
Quelques critères pour évaluer la qualité et utilité d’une source pour la veille
En matière d’évaluation des sources, il n’existe pas de méthode miracle.
Voici ici quelques critères pour sélectionner les sources à surveiller au moyen d'un certain nombre de critères qualitatifs assez "objectifs" qui vont servir à encadrer la mise en place du dispositif de veille :
- recherche des avis sur cette source en utilisant les moteurs de recherche et Wikipédia ;
- regarder les liens entrants (quels sites ou pages citent cette source) grâce à des outils de backlinks ou en entrant le nom de la source dans des moteurs ;
- regarder les éventuels comptes sociaux de cette source et regarder leurs abonnés/abonnements ;
- rechercher de l’information sur certains des journalistes afin de savoir ce qui se dit sur eux ;
- utiliser en complément des outils d’évaluation des sources comme le Décodex, Newsguard, etc.
- éliminer les sources qui ne font que reprendre des informations publiées ailleurs - que l'on repère assez vite quand on surveille un sujet,
- regarder les fréquences de mises à jour ;
- combiner différents points de vue et différents angles via la diversification des types de sources : par exemple surveiller une entreprise nécessitera de surveiller aussi bien son site web que les comptes Twitter des syndicats par exemple;
- réévaluer régulièrement les sources en fonction de l'évolution de la ligne éditoriale, de l'obsolescence de la source par rapport à des évolutions technologiques par exemple;
- privilégier quand c'est possible l'accès aux sources hébergées sur les grands serveurs ou agrégateurs qui globalement ont des catalogues de qualité en raison de leur contrat avec les éditeurs qu'ils sélectionnent. Attention par contre : il est souvent difficile pour eux de détecter les changements de business model et de percevoir la dégradation de la qualité des sources (comme on l'a vu dans le même numéro 374 de BASES).
- etc.
Et si on privilégiait la qualité plutôt que la quantité ?
Cela dit, il faut, lorsque l'on démarre une veille, se poser la question du nombre de sources. Faire une veille sur des milliers ou millions de sources n’a généralement aucun sens et est irréaliste, et même non productif.
La construction d'un dispositif de veille requiert avant tout de la sélectivité. Il faut raisonner en termes de qualité et non de quantité.
Malheureusement, ces dernières années, un certain nombre de plates-formes de veille, qui intègrent des milliers ou millions de sources (web et réseaux sociaux) de façon indistincte ont perturbé le jeu en vendant le fait que la performance était liée à la quantité des sources.
Chez FLA Consultants, nous pensons que la veille est un travail d’orfèvre, avant tout humain, qui passe d'abord par une évaluation de chaque contenu apporté par une source, en termes de nouveauté, d'analyse, de connaissance apportée par rapport à la connaissance déjà acquise d'une sujet. C'est ainsi que, pas à pas, se fera le choix des sources à mettre sous surveillance, soit via un outil de crawling, un agrégateur de flux RSS, voire un agrégateur de presse, qui offre toujours des possibilités d'affinage des sources.
Cette logique de traitement d’une source et de constitution maîtrisée d'un corpus mis sous surveillance conduit par expérience à une analyse plus fiable de l'information et de meilleure qualité.
Pour autant un corpus de qualité ne signifie pas pour autant immobilité. Il faut sans cesse revoir son corpus car le monde de l’information comme celui des entreprises évolue très vite. De nouvelles sources apparaissent ou disparaissent, de nouveaux acteurs peuvent intégrer le marché surveillé, de nouveaux sujets et thématiques peuvent se rajouter à une veille concurrentielle, etc.
C’est tout d’abord en dialoguant avec ses clients que l’on peut adapter sa veille sur la durée. Et c’est ensuite en enrichissant manuellement son corpus régulièrement avec de nouveaux thèmes et acteurs et en mettant en place quelques alertes à côté.
Si l’humain est et reste au cœur d’une veille concurrentielle réussie, impossible de faire l’impasse sur les outils de veille qui viennent assister le veilleur au cours des différentes étapes de la veille. C’est ce que nous verrons dans le prochain billet.